04 AOÛT 2025
Études de lisibilité de la notice : une étape clé pour l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM)
AMM
Obligatoires depuis 2005 au niveau européen, les études de lisibilité sont une exigence réglementaire essentielle pour l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) d’un médicament. Leur objectif ? S’assurer que les informations clés de la notice patient soient accessibles et compréhensibles.
Mais en pratique, comment s’y prendre ? Qu’attendent vraiment les autorités comme l’ANSM ? Et peut-on éviter ces tests dans certains cas ?
Cadre réglementaire et enjeux
L’étude de lisibilité est encadrée par l’article 59(3) de la directive 2001/83/CE modifiée par la directive 2004/27/CE, transposée en droit français par le décret n°2008-435.
Elle est requise :
• lors d’une demande initiale d’AMM,
• en cas de renouvellement,
• ou lors d’une variation substantielle de la notice.
L’objectif : prouver que 90 % des participants peuvent localiser les informations importantes et que 90 % d’entre eux les comprennent.
Préparation de l’étude
La première étape consiste à identifier les messages liés à la sécurité afin de construire un questionnaire permettant d’évaluer leur localisation et leur compréhension.
Les questions doivent couvrir tous les messages clés de la notice, notamment ceux relatifs à la sécurité d’emploi.
À noter : si la notice comprend des informations destinées spécifiquement aux professionnels de santé, celles-ci ne sont pas concernées par la consultation des patients.
Le questionnaire comporte généralement :
• 15 à 20 questions sur les messages clés (ordre randomisé),
• 3 à 4 questions qualitatives (facilité d’utilisation, présentation, compréhension).
Ce questionnaire peut être consigné dans un protocole d’étude documentant :
• Les objectifs ;
• La présentation de la notice ;
• Les modalités de sélection des participants ;
• Les critères de réussite établis avant le test (ex : temps mis pour localiser l’information, réponse attendue).
Sélection des participants
La sélection des participants est une étape qui doit être réalisée avec soin si on ne veut pas compromettre la validité de l’étude.
Ainsi, il est important de considérer les points suivants :
• Représentativité de la population cible (âge, sexe, niveau d’éducation).
• Éviter une majorité de participants ayant un niveau ≥ bac+5.
• Si le médicament est destiné à une population pédiatrique ou dépendante, l’échantillon doit être constitué de parents, de soignants ou d’accompagnants.
• Les participants ne doivent pas nécessairement être atteints de la maladie concernée.
• Les professionnels de santé sont exclus, sauf si le médicament nécessite leur implication dans l’administration (injections, perfusion, irrigations, administration par sonde…) ou s’il est réservé à l’usage hospitalier.
• Les personnes connaissant bien le médicament ne sont pas appropriées pour la phase principale mais peuvent être utiles lors de la phase pilote.
Déroulement des tests et nombre de participants
Généralement, les tests de lisibilité se déroulent en 3 étapes :
1. Phase pilote (3 à 6 personnes)
• Objectif : détecter les défauts majeurs, valider le questionnaire.
• Participants : peuvent être familiers du médicament.
• Les résultats ne sont pas pris en compte dans l’analyse finale.
2. Première série de 10 participants (différents de la phase pilote).
3. Seconde série de 10 participants (différents des phases précédentes) :(un laps de temps entre la première et la seconde série doit être prévu pour implémenter d’éventuelles modifications).
Si des ajustements restent nécessaires après la seconde série, une nouvelle série de 10 participants (différents des phases précédentes) peut être réalisée pour évaluer la pertinence des modifications.
Critères de réussite
Le test est considéré comme positif si, pour chaque question :
• 90% des participants sont capables de localiser l’information recherchée et,
• Parmi eux, 90% sont capables de la comprendre.
Par exemple, sur 20 participants, 16 devront trouver et comprendre l’information. Attention ! Il ne faut pas calculer de moyenne globale : chaque question doit être traitée individuellement.
Rapport de résultat
Une fois les tests réalisés, un rapport de résultat doit être rédigé pour apporter des preuves de la bonne lisibilité de la notice évaluée. Les éléments suivants doivent figurer dans le rapport :
• Un tableau récapitulant les messages clés évalués et les questions associées.
• Les maquettes de toutes les versions de notice testées en mettant en évidence les changements.
• La maquette de la version finale avec toutes les caractéristiques techniques (en français en cas de procédure nationale).
• Justification du choix des participants (représentativité, critères d’exclusion, absence de biais).
• Synthèse pour chaque cycle de test :
◦ Graphiques illustrant les taux de réponses correctes par question. Les résultats de chaque question doivent être présentés individuellement.
◦ Identification des points critiques / problèmes observés, que ce soit d’un point de vue quantitatif ou qualitatif.
◦ Proposition de modifications de la notice en réponse aux problèmes constatés.
• Exemplaire du guide d’entretien utilisé, incluant la réponse attendue pour chaque question.
• Exemples de verbatim pour illustrer la compréhension ou les difficultés rencontrées. Il n’est pas nécessaire de joindre toutes les données brutes mais les informations (ex : enregistrements audio) doivent être conservées jusqu’à acceptation par les autorités.
• Conclusion générale.
Pour une procédure nationale française, les tests doivent être menés sur la version française de la notice, même si le rapport peut être rédigé en anglais.
Est-il possible de ne pas faire de test ?
Oui, dans certains cas, grâce au bridging. Ce procédé permet de faire référence à une étude déjà réalisée sur une « notice mère » pour justifier la lisibilité d’une « notice fille ».
Le principe de base justifiant la réalisation d’un « bridging » est que les notices mère et fille se rapportent à des spécialités appartenant à la même classe pharmacothérapeutique (en particulier si elles revendiquent la même indication), dont la pharmacodynamie et la pharmacocinétique sont proches, et présentant en particulier des messages de sécurité similaires.
Néanmoins, il est essentiel que les maquettes des notices mère et fille soient identiques notamment en termes de :
• Présentation (portrait ou paysage) ;
• Style et taille de police ;
• Style des titres et sous-titres ;
• Utilisation de listes à puces ;
• Utilisation de couleurs et de pictogrammes ;
• Interlignage et espacement entre les paragraphes ;
• Qualité du papier d’impression.
Le rapport de bridging devra contenir, a minima :
• Les maquettes de la notice mère et de la notice fille, avec comparaison montrant que la mise en page est équivalente ;
• Un tableau comparatif du contenu de la notice mère et de la notice fille, démontrant que les messages clés de sécurité sont équivalents (dans le cas contraire, voir ci-dessous « focus test »), ainsi que la simplicité du langage.
• Le rapport du test de lisibilité complet de la notice mère.
Focus test :
Lorsque la comparaison du contenu des notices démontre que certains messages clés, en particulier de sécurité, diffèrent entre la notice mère et la notice fille, il est alors nécessaire de compléter le test afin de s’assurer que les utilisateurs seront capables de comprendre et d’utiliser de façon satisfaisante les informations de la notice fille.
Il peut s’agir par exemple des contre-indications, de l’usage pendant la grossesse, d’un mode d’administration différent ou encore des effets indésirables. Il est alors nécessaire de réaliser un test complémentaire, portant sur ces différences.
Conclusion
L’étude de lisibilité n’est pas un simple passage obligé : c’est un outil d’amélioration concrète de l’information destinée aux patients. Il est donc important de ne pas sous-estimée l’importance de cette étude et de respecter les différentes exigences européennes et nationales associées.